Un nouveau coup porté à la sauvegarde du patrimoine aéronaval français : l’ex-Foch vient d’être coulé

La coque du São Paulo remorqué vers son lieu d'immersion
La coque du São Paulo remorquée vers son lieu d'immersion © Marine brésilienne


Le porte-avions Foch puis São Paulo


Au terme d’une croisière tout autant rocambolesque que pour son sister-ship le Clémenceau, le NAe São Paulo, ex-Foch, a été coulé ce vendredi 3 février 2023 au large du Brésil. Après la disparition successive des Béarn (démantelé en 1967), Clémenceau (démantelé en 2010) et Jeanne d’Arc (déconstruit en 2014), il ne reste plus aucun des anciens porte-aéronefs ou porte-avions de construction française. 


Rescapé des coupes budgétaires


Le programme naval français d’après-guerre était très ambitieux. Après la mise à la retraite opérationnelle du porte-avions Béarn (1945) et la mise en service de porte-avions rescapés de la guerre et d’origine étrangère (Arromanches, La Fayette et Bois Belleau), la Marine française planifia la construction de six porte-avions français en 1949 (nombre ramené à cinq en 1952). Pour des raisons budgétaires, le gouvernement français n’accepta pas plus de trois nouveaux porte-avions en 1953 puis limita la production à deux bâtiments quelques années plus tard (1960). Ainsi, seuls le Clémenceau (mis en chantier en 1955) et le Foch, son sister-ship mis en chantier en 1957 échappèrent aux restrictions budgétaires. 


Fleuron de la Marine française


Le Foch fut lancé en juillet 1960, moins de trois ans après sa mise en chantier. Son armement prit trois ans de plus et en 1963 le navire fut opérationnel et rattaché au port militaire de Brest. Sa première grande croisière l’amèna dans le Pacifique où il participa à la première campagne d’expérimentations nucléaires, après le démantèlement des installations militaires nucléaires françaises en Algérie, et leur déménagement en Polynésie française. Sa mission était double puisqu’il assurait par la même occasion une démonstration de la puissance française dans le Pacifique. 

Cette mission de dissuasion par la force fut d’ailleurs la principale raison d’être des porte-avions français jusqu’à la fin des années 70, où apparaissaient de nouvelles natures de conflits localisés. Protection de la souveraineté de Djibouti, protection des intérêts français au Liban puis protection des populations civiles. Plus récemment et avant d’être vendu au Brésil, le porte-avions Foch a été un élément indispensable de la sécurité des troupes ONU et des populations durant le conflit en ex-Yougoslavie depuis la mer adriatique.

SEM sur Foch
Un Super-Étendard sur le pont du Foch après un retour de mission pendant la guerre en ex-Yougoslavie (©Cocardes)

Une seconde carrière laborieuse 


Après sa revente, et en raison d’impossibilité d’accord pour réutiliser le Clémenceau comme réservoir de pièces détachées pour conserver le Foch, le bâtiment se dégrada peu à peu. Son entretien a été hors de portée des budgets brésiliens et il a subi six incendies qui ont causé la mort de plusieurs marins. Même s’il était mis en avant par la marine brésilienne lors de divers reportages, ce n'ont été que des éléments de propagande. Il est bien plus resté à l’amarre qu’il n’a navigué et catapulté des Skyhawk. Les Brésiliens ont dans un premier temps retroussé les manches et réalisé une grosse restauration des systèmes de propulsion. Le chantier qui a duré de 2005 à 2010 a aussi intégré des mises à niveau opérationnelles pour le groupe aérien embarqué dont une refonte complète du système de transmission et de gestion des données à bord. 

Beaucoup d’investissements ont été aussi réalisés au niveau des aéronefs (Skyhawk, S-2T, S-70B), mais après sa remise à la mer il a subi un nouvel incendie important, imposant de nouvelles longues années de réfection. Finalement, en 2017, la marine brésilienne a pris la décision de désarmer le NAe São Paulo et de stopper tous les travaux titanesques et hors de portée de son budget pour rendre opérationnel et moderne le vieux guerrier français. 

NAe Sao Paulo
Le porte-avions après son arrivée au Brésil et sous son code A-12 (© Net Marine)

24 000 tonnes encombrantes 


Même si initialement des études ont été réalisées pour transformer le bâtiment en musée flottant, il a été finalement vendu à un ferrailleur turk. Mais le navire contient de l’amiante (interdite dans plus de 60 pays, dont Turquie et Brésil) en grande quantité et l’acheteur a été contraint de le retourner au vendeur. S’est ensuivi un imbroglio, le Brésil ne voulant pas le récupérer, la Turquie ne voulant pas l’accueillir. Le navire était coincé en plein océan Atlantique dans les mains du transporteur MSK qui l’avait en remorque, mais sans plus aucune assurance de paiement de tous ses frais. MSK a donc menacé d’abandonner la coque à la dérive dans l’océan, contraignant la marine brésilienne à reprendre en compte cette coque de 24 000 tonnes devenue trop encombrante. 

Après une enquête poussée, la marine a finalement pris la décision de couler le São Paulo au large des côtes brésiliennes en dépit de la présence vent-debout de toutes les organisations de protection environnementales. Ils ont argué à juste titre que de nombreux polluants étaient présents dans ce navire. Même si l’amiante perd une grande partie de sa nocivité une fois immergée, il reste tous les métaux lourds présents dans les peintures ainsi que les microplastiques. Et les risques que l’épave attire des espèces envahissantes nuisibles à la biodiversité indigène. 

Les réponses officielles (et manifestement effectives) ont été de couler le vaisseau à une profondeur de plus de 3 000 mètres, dans une zone non protégée, non concernée par des projets d’ouvrages océaniques ou des passages de câbles sous-marins. En outre, il reste dans la zone économique exclusive du Brésil. 

Kit Heller Foch 1/400


La fin d’un patrimoine 


Finalement, le 3 février 2023 après-midi, trois charges ont explosé à trois endroits différents de la coque provoquant des voies d’eaux suffisantes pour faire plonger le Foch au fond de l’océan. Avec lui, le patrimoine de tout le passé aéronaval français a définitivement sombré, au grand dam de tous les passionnés. Ne resteront que les images, les souvenirs des anciens ou les maquettes pour continuer à faire vivre le Foch. Une seule maquette est commercialisée, celle d’Heller au 1/400. Le moule a une cinquantaine d’années et les références sont 57071 en coffret avec peintures et pinceaux, ou 81071 pour la maquette seule. Le porte-avions est représenté tel qu’il était peu après sa mise en service, en 1965. Nous ne connaissons pas de kits d’amélioration pour cette maquette. 

RVB 

Sources : 
Marine brésilienne
Les Atolls de l’Atome par Bernard Dumortier
Le porte-avions Foch par Alexandre Paringaux
Articles de presse (Nouvel Obs, Figaro)
Web : Net marine


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