La 3D est-elle une évolution indispensable à notre loisir maquettes et figurines ?
C’est chez le fabricant polonais Arma Hobby que j’ai noté cette arrivée, mais peut-être ne l’ai-je pas vue ailleurs. Du moins sous cette forme, celle de la fourniture de fichiers téléchargeables et imprimables, en bonus avec une boîte de maquette plastique.
Ces pièces sont fournies en fichier 3D par Arma Hobby dans sa dernière référence "Plaques PSP" au 1/72
Dernièrement, ils ont proposé cette option pour corriger une erreur de sens d’une prise d’air sur le nez de leur P-39 au 1/48. Ils renouvellent aujourd’hui l’opération, en fournissant des accessoires avec leurs bases au 1/72 de plaques PSP et de pont de porte-avions en bois. L’idée peut sembler judicieuse et attrayante, pour qui possède une imprimante 3D. Elle me semble un peu plus frustrante pour ceux qui n’en ont pas, et n’ont pas de connaissances dans ce domaine.
Cette initiative m’inspire toutefois quelques réflexions et questions.
Part de l’impression 3D dans la révolution de notre loisir
Chez les industriels, le pas vers le 3D est fait depuis quelques années. Aujourd’hui, les maquettes en plastique produites industriellement (pour les nouveaux moules du moins) sont issues de recherche, conception et prototypage réalisés sur des logiciels 3D. Ces techniques sont particulièrement intéressantes à plus d’un titre. Économiquement, cela réduit les temps de conception des moules qui sont réalisées par des outils de fraisage et d’électroérosion à commandes numériques sans passer par la réalisation manuelle de masters. Cela réduit aussi les utilisations de matériaux divers liés à la réalisation des prototypes, et liés à la production en elle-même. En effet, les moules sont optimisés pour faciliter l’injection et placer un maximum de pièces dans un minimum de volume. Des moules plus petits permettent de réduire les coûts. Les temps de conception sont réduits et les modifications beaucoup plus simples. C’est la conception (et les temps de main d’oeuvre associés) qui est le principal poste d’économies par rapport aux anciennes techniques. Aujourd’hui la 3D est donc pleinement utilisée dans le monde industriel de la maquette plastique. Et elle a permis des progrès considérables sur la qualité du produit fini qui nous est proposé, ce qui est l’autre principal aspect positif de l’arrivée de ces techniques chez les industriels.
Chez les artisans et les fabricants de Short-Run, la pénétration du marché n’est pas aussi importante. Les raisons sont diverses et compréhensibles. La formation à ces nouveaux outils demande une gros investissement en temps, et des investissements en machines qui ne sont pas forcément à la portée de ces artisans, dont certains ont atteint la soixantaine voire plus. Certes l’âge n’excuse pas tout, mais on peut comprendre la réticence à ces investissements en fin de carrière ou d’activité. La résine moulée de façon traditionnelle ou le vacuformé ont encore quelques années de présence à venir. Nombreux artisans décident cependant de passer à ces nouvelles techniques, certains se lancent même grâce à elles. On peut citer le pionnier de la figurine 3D, Reedoak, un artisan français qui a su imposer sa marque de fabrique sur le marché et a une distribution mondiale. Il est indéniable que la finesse et les avantages de la 3D résine nous permettent de trouver aujourd’hui des kits ou des accessoires que nous n’aurions pas pu imaginer il y a encore quelques années.
Le Caudron C.714R en cours de conception, chez l'artisan français Callsign Glou.
Chez les maquettistes, il y a ceux qui se contentent de monter les kits du commerce, avec ou sans accessoires du marché, et les adeptes du scratch qui peuvent pousser loin, très loin cet aspect. Chez ces derniers, la situation est assez similaire à celle des artisans. Deux ensembles de maquettistes adeptes de scratch se côtoient aujourd’hui. Ceux qui restent sur leurs techniques traditionnelles, tout en achetant des produits 3D imprimés disponibles sur le marché sont les plus nombreux. Mais petit à petit, des maquettistes passent à la 3D, et se forment à l’utilisation des logiciels puis investissent dans le matériel nécessaire à l’impression maison de leurs créations, voire même de fichiers trouvés ou achetés sur Internet. Ces derniers sont généralement plus jeunes et sont plus à l’aise sur les matériels informatiques. Les PC sont arrivés progressivement à partir de la fin des années 80, Internet a commencé à être utilisé en France autour de 1995, et des personnes qui n’ont pas grandi avec les ordinateurs dans les mains ont eu beaucoup plus de mal à s’y mettre. En revanche, les générations nées après 1985 n’ont absolument aucun souci avec ça. Il y a même une génération de nouveaux maquettistes qui s’est formée en découvrant la maquette, après avoir découvert la 3D et ses perspectives grâce à Internet.
Un bel exemple de l'apport de la 3D dans nos montages se trouve dans les Mirage 2000 au 1/32 par Romain Fléchon dans notre magazine n°24.
Comment doit-on envisager ces prochaines années ?
Il ne semble pas que nous puissions échapper au développement de plus en plus important de la 3D, d’autant que l’intelligence artificielle (IA) va encore faciliter l’accès à ces techniques et améliorer fortement les temps de développement de nouveaux produits. Pour autant, à notre niveau, est-il vraiment important, voire indispensable, de s’y mettre ? Je mettrais bien volontiers en perspective l’arrivée de la 3D aujourd’hui, avec celle des imprimantes couleur à jet d’encre ou laser il y a une trentaine d’années, ou l’arrivée des machines de découpage comme la Silhouette il y a une quinzaine d’années. A-t-on été obligé d’y passer pour continuer à produire nos maquettes ? Pas nécessairement puisque le marché proposait des planches de décalques ou des masques en accessoires. Pour autant, il est certains que ces accessoires se focalisaient sur les modèles les plus attractifs. Pas question de trouver décalques ou accessoires pour un avion comme le Leopoldoff des années 30, ou même pour un Xingu pour parler d’avions militaires récents.
Cette imprimante 3D de prix moyen est une des représentantes des milieu de gamme qui ont une bonne presse chez nombre d'adeptes de l'impression 3D résine UV.
C’est finalement ce que nous voulions faire de notre loisir qui présidait au choix de se lancer dans ces nouvelles techniques (ou pas d’ailleurs, puisqu’on peut tout faire ou presque de ses deux mains, sans aide informatique, en y consacrant le temps et la précision nécessaire). Reconnaissons quand même qu’une planche imprimée maison a quand même plus de précision qu’un motif peint à même la maquette ou sur une planche vierge. C’est particulièrement visible surtout dès qu’on a deux insignes similaires à poser sur un avion (à droite et à gauche par exemple). La peinture a ses limites et il est quasiment impossible d’avoir le même résultat des deux côtés à la peinture et au pinceau, sans masque prédécoupé de surcroît.
Ainsi aujourd’hui, on aura toujours des accessoires plus fins et précis par la 3D que par le scratch traditionnel. A fortiori, une fois encore quand il y a plusieurs pièces similaires à produire, sans moulage résine.
Alors faut-il s’équiper, et se former ?
C’est au maquettiste qu’appartient cette décision certes. En sachant que s’il se forme à la 3D, il passera certainement bien plus de temps derrière son écran d’ordinateur au détriment du temps passé à l’atelier avec ses bouts de plastique et ses peintures. L’investissement matériel (hors consommables) est compris entre 1 000 et 2 000 euros, ordinateur compris, avec un PC Windows. On peut rajouter facilement un billet de 1 000 si on fait le choix d’Apple. Donc en comparaison avec le prix des boîtes (avec accessoires), l’équivalent de 10 à 20 boîtes de belles maquettes à une centaine d’euros.
Un four UV à prix moyen, vu sur un site de vente en ligne. Attention, se lancer dans la résine UV imprimée nécessite l'achat d'autres matériels et produits. Que ce soit pour nettoyer son impression ou la durcir. Selon les matériels choisis la facture peut vite s'alourdir. Surtout si on envisage d'imprimer de grosses pièces.
Cet investissement lui ouvrira les portes sur des centaines de modèles imprimables trouvés sur Internet (du plus moche à de véritables petits bijoux), mais avec un choix bien plus phénoménal dans les domaines de la figurine (Fantasy notamment) que dans celui de l’aviation. La question se pose donc sur l’évolution des tendances, et la généralisation ou non des dernières initiatives d’Arma Hobby de nous proposer des fichiers téléchargeables puis imprimables dans ses kits. On peut aussi imaginer que cette bonne idée marketing actuelle ne trouve finalement pas grâce à terme chez les fabricants. Car il y a fort à parier que le piratage fasse là encore son travail de sape. Quel intérêt aurait un fabricant à favoriser la vente de ses produits en sachant qu’à terme son bonus va se retrouver gratuitement disponible sur les serveurs de Peer-to-Peer, et autres serveurs pirates enregistrés dans des pays peu scrupuleux des droits d’auteur ?
Peut-être que, finalement, cette question trouve sa réponse naturelle dans la mutualisation des équipements entre maquettistes, et que l’arrivée de la 3D soit, plus que jamais, la motivation de tous les maquettistes isolés à rejoindre des clubs de maquettistes. En exprimant cela d’une façon plus claire, que les clubs prennent un rôle actif dans les mutualisations de moyens, d’une part en effectuant des formations pour ses membres, et d’autre part en réalisant des investissements dans ce genre de matériel. Une chose est certaine, c’est que l’arrivée de la 3D va permettre à tout le monde de disposer de maquettes que jamais aucun fabricant n’aurait osé tenté de faire, tant l’investissement risquait de ne pas être rentabilisé, en raison de la singularité du projet. Enfin, comme pour tout bon scratch, quelle satisfaction personnelle et quelle gratification quand on sort une belle pièce 3D pour améliorer son kit après tant d'auto-formation pour maîtriser cette nouvelle technique...
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RVB
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